n°24 - Nouveaux tempos
Beyond Intelligence est la newsletter de generalmotion.ai by HUMAN2AI, studio de production alliant créativité et IA générative
FORWARD | Créer avec l’IA, un processus créatif à part entière
Lors du salon VivaTech 2025, le réalisateur Oscarisé de The Artist, Michel Hazanavicius, a partagé une pensée qui résonne chez de nombreux créatifs. Il expliquait préférer le cinéma traditionnel à l'intelligence artificielle, car pour lui, ce qui compte véritablement dans sa démarche est le processus de fabrication du film, l'aventure humaine.
On comprend bien cette position : l’expérience humaine, la collaboration artistique, et les défis techniques et créatifs vécus sur un tournage traditionnel sont effectivement uniques. Pourtant, il est réducteur d’opposer le cinéma traditionnel à l’IA, en négligeant le processus créatif propre aux productions IA. En effet, réaliser un film grâce à l’intelligence artificielle relève également d’un processus complexe, collaboratif et profondément créatif.
Le mythe du créateur IA solitaire
Nous voyons tous sur LinkedIn et X des courts-métrages saisissants, souvent générés avec des outils comme Kling 2.1 ou Veo 3. Leurs auteurs proclament fièrement : "fait dans ma chambre, pour 27,50 $". Ces œuvres, bien qu'imparfaites, sont des prouesses impressionnantes. Elles ont installé l'image d'un artiste seul face à son ordinateur, jonglant avec un ou deux outils SaaS pour donner vie à sa vision. Mais cette image, si séduisante soit-elle, n'est que la partie émergée de l'iceberg.
Pour des projets ambitieux tels qu’un long-métrage d’animation destiné aux salles de cinéma ou une publicité haut de gamme pour Coca-Cola, Danone ou LVMH, l’échelle et la complexité changent radicalement. Il ne peut plus s’agir uniquement d’une aventure solitaire, mais d’un effort collectif impliquant des équipes pluridisciplinaires et un workflow technique et artistique complexe.
La réalité du "High-End" : des workflows complexes et des équipes hybrides
La vérité, c'est que la production de contenus IA de qualité professionnelle est une affaire d'équipes et de workflows. Loin d'effacer les métiers, elle les repense et les recompose. Prenons la création d'un long-métrage d'animation entièrement en IA. L'équipe idéale se compose d'une mosaïque de talents. On y trouverait des spécialistes des personnages et de leurs poses, travaillant à guider les modèles avec des experts 3D traditionnels, pour assurer une consistance parfaite, main dans la main avec des créateurs de décors qui génèrent des univers visuels cohérents. À leurs côtés, des compositeurs IA transformeraient le storyboard en images clés, que des animateurs vidéo orchestreraient pour donner vie aux plans. La touche finale impliquerait des étalonneurs IA pour le respect parfait de la DA, sans oublier l'apport crucial des musiciens, des comédiens de doublage, des experts en lip sync et des mixeurs son traditionnels qui ancrent l'œuvre dans une qualité cinématographique irréprochable.
Cette nouvelle équipe ne s'appuie pas sur un seul outil magique, mais est dirigée par un « IA runner » qui orchestre un écosystème technologique sophistiqué. Ce pipeline de production combine la flexibilité de plateformes open source comme ComfyUI, qui offre un contrôle granulaire, avec la puissance de logiciels 3D tels qu'Unreal Engine ou Blender pour créer des bases solides. Pour assembler les différentes couches générées, les professionnels hybrident avec l’IA des outils de compositing standards de l'industrie comme Nuke ou After Effects. Le processus intègre également des technologies spécifiques, telles que des variantes de ControlNet pour guider la composition, ainsi que différents modèles de génération vidéo choisis pour leurs forces respectives. Il n'est pas rare d'y ajouter des briques de code issues de la recherche universitaire pour obtenir des effets uniques ou d'utiliser des outils spécialisés comme Wonder Dynamics pour des tâches précises.
Un nouveau calcul, un nouveau processus
En termes de temps investi, un film d’animation de 90 minutes en IA requiert environ 15 jours-homme de travail par minute de contenu finalisé. Il faut ajouter à cela un temps équivalent pour toute la phase de préparation, de direction artistique (DA), et de gestion des assets. Soit approximativement 2700 jours-homme au total si l’on inclut également la direction artistique et la gestion des ressources créatives. Ce volume reste néanmoins significativement inférieur à celui d’un projet équivalent en animation traditionnelle, qui demanderait typiquement plus de 10 fois plus d’heures de travail.
Le vrai changement : un processus itératif et plus collaboratif
Le cinéma traditionnel suit un processus largement séquentiel : écriture, puis storyboard, puis production, puis post-production, et revenir en arrière, modifier, coûte très cher. Le processus IA, lui, est fondamentalement itératif. On peut générer une version d'un plan, la visionner, ajuster le prompt, relancer la génération et tester une autre direction artistique dans des cycles très courts. Cette flexibilité impose et encourage une collaboration encore plus étroite entre réalisateur, spécialiste IA, directeur artistique, experts traditionnels, etc. Ils peuvent prendre des décisions créatives ensemble, et voir le résultat de leurs idées s'afficher en quelques minutes. Ce process itératif enrichit profondément l’acte de création, stimulant des échanges permanents et une créativité partagée.
Alors oui, Monsieur Hazanavicius, il y a aussi un process en IA. Il est plus court, implique potentiellement moins de monde sur un plateau physique, mais il est tout aussi intense. Il demande une nouvelle forme d'expertise, une curiosité insatiable et, surtout, un sens de la collaboration décuplé. Ce n'est pas la fin du processus créatif. C'est la naissance d'un nouveau process, plus agile et qui loin de réduire la créativité, la stimule et la renouvelle.
BEYOND | Vers la vidéo générative en temps réel ?
La technologie de génération de vidéos en temps réel "Seaweed APT2" marque une avancée significative, nous rapprochant d'une ère où la création de contenu vidéo interactif et instantané sera la norme.
Développé par des chercheurs financés par ByteDance, ce modèle est capable de générer des vidéos en streaming à 24 images par seconde, ouvrant la voie à de nouvelles applications en temps réel.
En comparaison avec les modèles diffusion classiques (comme veo 3, Sora, Runway Gen‑4 Turbo…), Seaweed APT2 se distingue par son coût GPU très faible, sa latence ultra‑faible et son mode interactif, qui permettent d’utiliser la vidéo générée comme un flux en direct ajustable en temps réel (poses, mouvements de caméra, etc.)
NOW | Ancestra de Eliza Mc Nitt, by Primordial Soup X Google DeepMind
Le réalisateur Darren Aronofsky, via sa société de production, Primordial Soup s'est associé à Google DeepMind pour créer le court-métrage Ancestra. Ce projet novateur, réalisé par Eliza McNitt, combine des scènes réélles tournées avec de vrais acteurs et des visuels spectaculaires créés par Veo, l'intelligence artificielle générative de vidéo de Google.
Le but de cette collaboration est d'explorer comment l'IA peut servir d'outil pour enrichir la créativité des cinéastes. L'équipe de production, composée de plus de 200 experts du cinéma et de la technologie, a ainsi mélangé des techniques traditionnelles et l'IA pour réaliser des séquences complexes (comme des scènes cosmiques ou microscopiques), tout en gardant le contrôle artistique.
Ancestra est présenté comme un projet pionnier visant à définir l'avenir de la production cinématographique.